Le geste d'amitié — Français

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Le geste d'amitié

Un jour, alors que j'étais en première année du secondaire, jai vu un jeune de ma classe marcher pour retourner chez lui après l'école. Il s’appelait Enzo. Il semblait transporter bien une douzaine de livres. Je me suis dit : " Qui peut bien ramener tous ses livres chez lui, un vendredi ? C'est un abruti !"

Pressé de retourner chez moi, j’ai haussé les épaules et continué mon chemin. Tout en marchant, j'ai vu une bande de jeunes courir vers Enzo. Ils l'ont rejoint, lui ont fait tomber tous ses livres, lui ont fait perdre l'équilibre. Enzo est tombé dans la boue, perdant ses lunettes. Ces dernières étaient tombées à bien 3 mètres de lui. Enzo s'est relevé sans vraiment réagir et j'ai pu voir la terrible tristesse dans ses yeux.

J'ai senti mon coeur se serrer et j'avais un noeud dans la gorge. J’ai donc couru le rejoindre. Il cherchait ses lunettes et j'ai vu une larme couler sur sa joue. J'ai ramassé ses lunettes et lui ai dit : "Ces gars là sont vraiment nuls. Ils devraient être punis pour ce qu'ils ont fait".

Il m'a regardé et m'a dit : "Ah, merci !"
Il avait un large sourire sur les lèvres.
C'était un de ces sourires qui expriment une profonde gratitude.

Je l'ai aidé à ramasser ses livres et je lui ai demandé où il habitait. En fait, il habitait la même rue. Je lui ai donc demandé pourquoi je ne l'avais jamais encore vu ? "C'est parce qu'avant, j'allais dans une école privée." L’école privée... C'était un monde que je ne connaissais pas.

Nous avons discuté sur tout le chemin de retour et j'ai transporté quelques-uns de ses livres. Je me suis rendu compte qu'il était vraiment gentil. Je l'ai donc invité à venir jouer au foot avec mes amis le lendemain et il a accepté. Nous avons ainsi passé le week-end ensemble.

Le lundi matin, sur le chemin de l'école, j'ai aperçu Enzo, à nouveau trimballant tous ses livres. Je l'ai rejoint et lui ai dit : "C’est sûr, tu vas te faire des super muscles à transporter tant de livres chaque jour !" Il m'a souri et m'a donné la moitié de ses livres.

Plus j'apprenais à le connaître, plus je l'appréciais et mes amis aussi apprirent à l'aimer. Au bout d’une année, Enzo et moi étions devenus les meilleurs amis du monde.

En fin de secondaire, il fallait choisir nos études universitaires. Enzo se dirigeait vers des études de médecine et moi, vers du sport-étude en football. Enzo était le "crâne" de la classe et moi, le sportif, j’aimais le taquiner.

Pour la remise des diplômes, il avait préparé un discours. Il était un de ceux qui s'étaient affirmés au fil des études. Il avait trouvé sa place et avait du succès auprès des filles. J’étais un peu jaloux !

Ce jour-là, il semblait très nerveux avant de prendre la parole. Je lui ai donné une tape d'encouragement et lui ai dit : "Tu vas voir, tu vas être parfait !"
Il m'a regardé et m'a lancé un de ces regards incroyablement sincères et m'a dit : "Merci !"
Il a commencé son discours, s'est arrêté pour éclaircir la voix, puis s’est lancé :

"La remise des diplômes est un moment pour remercier ceux qui vous ont aidé à passer les moments durs - vos parents, professeurs, peut-être votre entraîneur, mais plus particulièrement vos amis. Je suis ici pour vous dire qu’être l'ami de quelqu'un, c'est lui donner le plus beau des cadeaux. Voici mon histoire."

C’était avec stupéfaction que je l’ai entendu raconter la première journée où on s’était connus : il avait planifié de se suicider ce week-end-là. Il raconta qu'il avait vidé son casier pour éviter à sa mère d'avoir à le faire. Il m'a regardé droit dans les yeux et m'a souri.

"Merci de m'avoir sauvé ! Mon ami m'a protégé et empêché de faire une énorme bêtise !"
Nous avions tous le souffle coupé. Le gars le plus doué et le plus populaire de l'école venait de raconter ses souvenirs les plus douloureux. J'ai aperçu ses parents en train de me regarder avec ce même sourire de gratitude qu’avait Enzo. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé toute la tristesse qu'il avait ressentie le jour où l'on s’était rencontrés. Ce n'était pas seulement à cause de la bande de jeunes.

J’ai alors compris qu’avec un petit geste qui semblait insignifiant, j’avais changé son existence, j’avais pu changer l’existence d’un jeune comme moi.